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  • Photo du rédacteurfallen Raziel

Les Aventures d'Erwin & Livaï #4


La dernière expédition avait conduit nombre d'explorateurs à la mort. Même si de précieuses informations avaient été obtenues, les pertes demeuraient considérables. L'escouade d'opération tactique avait été décimée, et le caporal Livaï lui-même était rentré blessé, avec une fracture du pied.

L'ambiance était tendue et les discussions entièrement tournées vers l'identité du titan féminin. Erwin Smith avait réuni son état-major afin de faire le point sur les avancées et mettre en place une contre-attaque pour démasquer l'espion. Il avait invité dans ce but les membres de la 104ème afin qu'ils puissent donner leurs impressions et partager des indices glanés durant l'expédition. Armin Arlert s'était montré particulièrement brillant, et avait produit des preuves suffisantes pour incriminer une de leurs anciennes camarades des brigades d'entraînement, une certaine Annie Leonhart.

La réunion commençait à s'éterniser. Le caporal Livaï remua sur sa chaise, espérant que le discours du major finirait bientôt, car la douleur dans son pied, sourde et diffuse, remontait petit à petit le long de sa jambe. Il regarda Erwin, dont l'attention était tout à fait concentrée sur Arlert, et il ne douta pas une seconde qu'il appuierait les doutes du garçon. Il était plutôt convaincant...

Livaï écoutait d'une oreille distraite. Il pensait bien davantage aux pertes qu'il venait de subir. Cela repoussa la douleur de sa jambe plus loin, tandis qu'une autre prenait sa place. Erd, Gunther, Petra et Auruo étaient tous morts... Ses camarades... Il ne mesurait pas encore l'ampleur de la perte ; comme à chaque fois, la conscience de ce qu'il avait perdu le percuterait bien plus tard, quand il serait seul et ne pourrait penser à rien d'autre. Devant une tasse de thé solitaire par exemple...

Ils étaient encore là quarante-huit heures auparavant...

Enfin, le major ajourna la réunion. Tous se levèrent de leurs sièges et Livaï capta le regard désolé et honteux de la jeune Ackerman. Elle se sentait coupable de son état ; il ne pouvait lui en vouloir, mais il était le seul responsable de cela. S'il n'avait pas fait en sorte de prendre le coup à sa place, elle serait blessée ou morte. C'était son rôle en tant que vétéran de veiller sur les jeunes.

Alors pourquoi n'y arrivait-il jamais ?

Il s'appuya un moment sur le mur avant de sortir de la salle de réunion, le souffle soudain court. Sa main se crispa sur sa cuisse. Ce n'était pas seulement sa jambe, tout son corps lui faisait mal. Il essaya de se traîner vers la sortie quand une main légère se posa sur son épaule.

- "Tu as mal, Livaï ?"

Le caporal regarda par-dessus son épaule et vit le visage d'Erwin, soucieux et troublé, tout près du sien. Il se força à arborer une expression impertinente et blasée, mais ses efforts n'échappèrent pas à son supérieur.

- "Non, ça va, ça arrive des fois, mais ça repart aussi vite."

- "Permets-moi d'en douter. Je t'ai vu boiter toute la journée. Les médecins t'ont dit d'utiliser une béquille afin de soulager ta..."

- "Une béquille ?!" explosa Livaï. "Tu m'as pris pour un vieux ou quoi ?! Je peux marcher ! Je suis sûr que je peux même utiliser le dispositif mais tu me l'as interdit !"

- "Je ne veux pas prendre de risque, tu dois te ménager."

- "Tu essaies plutôt de me faire enrager, oui !"

Livaï vivait mal d'avoir été mis à pied. Même s'il comprenait la finalité de cet ordre, il ne supportait pas de devoir rester à terre tandis que ses camarades pouvaient continuer à voler.

Il remarqua que les jeunes étaient restés à la porte à les regarder et n'avaient rien perdu de leur échange. Livaï sentit le sang lui monter au visage. De quoi avaient-ils l'air, tous les deux ? D'un vieux couple en train de se disputer ! "Ouais, c'est pas faux", jugea le caporal.

Il les chassa du revers de la main et ils vidèrent les lieux au pas de course. Mais Erwin resta près de lui, attendant manifestement qu'il se redresse et sorte de la pièce. Mais quand Livaï se déplia, un autre déchirement fulgurant traversa sa cheville et son mollet et il s'écroula presque dans les bras de son supérieur. Erwin le fit rasseoir et souleva doucement la jambe de son pantalon. Sa cheville avait été bandée et une attelle mise en place tout autour. Elle n'était pas très encombrante mais il se sentait mal à l'aise avec des chaussures. Et elle l'empêchait de poser le pied totalement sur le sol, ce qui s'expliquait par le fait que, comme Erwin le lui avait rappelé, il devait normalement utiliser une béquille pour se déplacer.

Le major gronda :

- "Je t'ai laissé venir ici sans béquille, je n'aurai pas dû. C'est de ma faute, je serais plus ferme la prochaine fois."

- "Arrête de toujours tout prendre sur toi. Je suis un grand garçon, je sais ce qui est bon pour moi."

- "Les médecins le savent aussi. S'ils te voyaient parcourir le QG dans ces conditions, ils seraient mécontents."

- "Je te dis que ça va.

- "Ta cheville est enflée."

- "Mais non, elle a toujours été comme ça."

- "Je t'ai déjà massé plusieurs fois et je sais que non."

Son supérieur adorait avoir le dernier mot, et Livaï ne trouva rien à répondre. Il se contenta de détourner le regard et de laisser le major lui tâter le pied avec intérêt.

Erwin continua à palper la peau fine et blanche avec précaution, trouvant un plaisir inattendu à leur position respective ; Livaï assis sagement sur sa chaise et lui-même, agenouillé devant son subordonné, prenant le temps de rouler sous ses doigts chaque petite veine palpitante... Il laissa sa main remonter vers le mollet et caresser les muscles au repos, s'attarda un peu dans le creux du genou, à la peau si douce... Il entendit Livaï pousser un petit soupir et il se sentit très content de lui. Mais cela ne pouvait pas durer évidemment.

- "Eeeh, tu fais quoi, là ?!" s'exclama le caporal décontenancé, en essayant de cacher sa jambe nue sous son pantalon.

- "J'essaie de faire partir la douleur, de te détendre. Tu n'aimes pas ?"

- "C'est pas la question ! N'importe qui peut arriver !"

- "C'est vrai, où avais-je la tête ? Cela serait fâcheux..."

Erwin se releva et il eut la plaisante surprise de constater que Livaï, malgré ses protestations, en paraissait chagriné. Il décida que c'était son rôle de prendre les choses en main et de donner la charge. Il se pencha, passa un bras autour des épaules de Livaï et un autre sous ses jambes et le souleva de la chaise sans difficulté. Le caporal se mit à gigoter.

- "Ca va pas la tête !? Pose-moi !"

- "Si tu avais pris une béquille, je ne serais pas obligé de faire ça", répondit Erwin.

- "Mais je peux marcheeeerrr ! Arrête !" s'écria Livaï en s'accrochant à ses épaules.

- "Tu risques d'aggraver ton état. Et ta chambre est loin, je vais t'y amener."

- "Mais y a du monde dans le couloir ! C'est encore pire que..."

- "Ca ne me dérange pas qu'on me voit prendre soin de mes subordonnés !" dit Erwin en riant.

Il attendit que Livaï se calme et accepte son sort, puis s'engagea dans le corridor avec son précieux fardeau.

Comme on pouvait s'y attendre, le QG du bataillon était loin d'être désert à cette heure et les regards éberlués les suivirent tout le long du trajet. Livaï avait du mal à les supporter alors il fourra son visage dans le cou du major ; une bonne chose qu'on ne puisse pas voir à quel point il rougissait ! Il se sentait très faible et minable, mais une partie de lui ne pouvait s'empêcher de remercier Erwin de sa prévenance. Car de fait, il aurait eu bien du mal à regagner ses quartiers en gardant sa dignité tant sa jambe lui faisait mal. "Entre claudiquer comme un infirme et me laisser porter par Erwin, le choix est vite fait...", pensa-t-il.

Finalement, cela l'indifférait qu'on pense certaines choses sur eux. A bien y réfléchir, cela lui plaisait par moment... Il ne perdrait pas son temps à expliquer à qui que ce soit ce qu'il ressentait pour son supérieur, personne ne comprendrait de toute façon. Le comprenait-il lui-même ? Il n'en était pas certain. Ce qu'il comprenait là maintenant, c'était qu'Erwin le portait dans ses bras, et qu'il s'y sentait bien. Il fourra son visage tout contre son cou et oublia totalement les explorateurs autour d'eux. Rien ne comptait plus que le bleu de ses yeux, et... ses sourcils si épais et magnifiques.

En un rien de temps, ils se retrouvèrent devant la chambre de Livaï. Le caporal sortit sa clef de sa poche et ouvrit la serrure. C'était une petite chambre fonctionnelle, pas très personnelle. Il y avait un lit, une armoire, une table et une chaise devant la fenêtre. Livaï s'était aménagé une petite salle de bain en dégotant une baignoire. C'était tout ce dont il avait besoin au quotidien.

Ca et les attentions d'Erwin.

Le major le posa doucement sur le lit et Livaï se détacha de lui à contrecoeur. Il aurait voulu l'avoir un peu plus longtemps pour lui, mais il ne faisait aucun doute qu'Erwin avait plus important à s'occuper. Cependant, son supérieur s'attardait dans la pièce, et il commença à se demander ce qu'il attendait. Des fourmillements loin d'être désagréables revinrent titiller sa patte folle.

- "Tu veux que je te prépare du thé ? Je peux aller chercher ça dans mon bureau...", proposa Erwin, les mains dans le dos.

- "Non, reste !"

Livaï avait répondu avec empressement. Il s'étonna lui-même de ne pas vouloir de thé. Erwin se baissa vers lui et le caporal se mit à transpirer.

- "Tu préfères que nous reprenions où nous nous étions arrêtés ?" demanda malicieusement le major.

- "Ooooh, t'as sûrement des tas de trucs à faire...", soupira le caporal au bord de la syncope.

- "J'ai toujours le temps pour toi."

- "Si tu insistes..."

Erwin sourit, de ce sourire qu'il gardait toujours en réserve pour Livaï. Il enleva sa veste et s'assit sur le lit à côté du caporal blessé. Celui-ci se mit à plat dos sur le matelas et attendit la suite des évènements.

Le major aimait les moments où il réussissait à troubler l'apparence flegmatique de son subordonné. Il aimait voir ses yeux s'agrandirent, ses joues s'empourprer, son souffle s'accélérer... Il aimait surtout se dire qu'il était le seul à y arriver. Il pouvait apprécier dans ces moments-là que Livaï ne soit qu'à lui.

Il souleva de nouveau le bas du pantalon, enleva l'attelle avec délicatesse, et reprit ses soins experts là où il les avait stoppés. La jambe de Livaï bien calée sur sa cuisse, il recommença à caresser sa cheville douloureuse avec précaution, pressant des points sensibles, ce qui arrachait au blessé des râles de protestation et de plaisir mêlés.

- "Aaaah... ouh ! Un peu plus haut... voilà... Aïe, trop haut ! Oui, comme ça... aaahh..."

Erwin retint une énorme envie de rire. La vision de Livaï, étendu sur son lit, un bras sur le visage, les orteils au garde-à-vous, poussant des gémissements à peine compréhensibles, le mettait en joie. Mais il ne voulait pas s'arrêter là.

- "Ton pantalon est un peu gênant, je ne peux pas te masser comme il faut. Si tu l'enlevais ?"

Livaï se redressa, comme sonné, et obéit sans discuter. Erwin l'aida à le faire, tout en faisant attention à sa cheville. Quand le soldat le plus fort de l'humanité se retrouva en slip et chemise devant lui, il ne put contenir le sang qui lui monta au cerveau. "Reste calme, Erwin, ce n'est pas la première fois."

Il contempla un moment le corps de son subordonné, marqué par les sangles et les courroies du dispositif de manoeuvre, et se rappela alors qu'il portait les mêmes traces. Leur travail imposait à leur organisme des traumatismes quotidiens, et laissait sur leur peau des souvenirs douloureux. Cette vue ramena Erwin à des sentiments plus pénibles. Il repensa à l'escouade de Livaï, et à l'expression dévastée de son caporal ; à la culpabilité qu'il avait ressentie, une fois de plus ; mais aussi au soulagement d'avoir réussi à garder son ami en vie.

- "Mets-toi sur le ventre, je vais te masser", annonça Erwin.

- "Euh... t'es sûr ?

- "Oui, cela va me détendre, moi aussi."

Livaï enleva sa chemise, roula sur lui-même et offrit son dos zébré de stigmates sombres à la vue de son supérieur. Erwin les effleura de la main d'abord, puis commença à palper les épaules aux muscles noueux du caporal. Il pouvait presque sentir les aspérités du cuir imprimées dans la chair, et Livaï tressaillait à chaque fois qu'il touchait un point sensible.

- "Ca va, je ne te fais pas mal ?"

- "C'est une bonne douleur", répondit Livaï, la voix étouffée par son oreiller. "Elle me dit que je suis vivant."

- "Bonne philosophie."

Erwin laissa ses mains s'égarer sur les flancs de Livaï et il se mit à califourchon sur lui pour avoir un meilleur angle. Il appuya un peu et le caporal tapa des pieds en protestant qu'il y allait un peu fort. Il adopta alors un mouvement plus doux et Livaï se mit à ronronner comme un chat content sans plus dire un mot ; à part quelques "ouille" intempestifs de temps en temps.

Le major continua son massage pendant un moment, puis s'aperçut que Livaï avait dû s'endormir. Ses bras gisaient de chaque côté de son oreiller, son visage était tourné sur le côté et sa respiration régulière et paisible. Il avait également cessé de tressaillir et ses muscles semblaient tout à fait détendus à présent.

Erwin se pencha vers lui, écarta ses cheveux de son cou, et y déposa un baiser furtif. Aucune réaction. Il descendit vers son épaule et l'effleura aussi de ses lèvres ; toujours rien. N'en revenant pas de son audace, il se dirigea encore plus bas, et ses mains se refermèrent sur la cuisse nue de son ami endormi. C'est alors qu'un grincement alarmant se fit entendre :

- "Erwiiiiiin... Qu'est-ce que tu fais, là ?"

Le major rajusta tout de suite sa mise tandis que Livaï, furibond et les cheveux en bataille, se retournait pour le fusiller du regard.

- "Je testais juste tes centres nerveux !" se justifia Erwin.

- "C'est ça, ouais, mon oeil. Tu me prends pour une bille, ou quoi ?"

Erwin se mit à rire et se laissa tomber sur le lit à côté de Livaï. Ils se fixèrent sans parler pendant un moment, face à face dans le silence, et la main du caporal vint frôler sa joue avec tendresse. Il la saisit et en embrassa la paume. Il avait envie de l'enlacer, de sentir encore la vie courir sous sa peau, de lui dire des choses... Il devait lui dire...

- "Livaï, je ne voudrais pas que tu interprètes mal ce que je vais te dire..."

- "Pas de souci, vas-y."

- "Je suis... navré pour ton escouade. Ils étaient tous de braves coeurs, et je ne veux pas minimiser leur perte..."

Erwin se rapprocha et attrapa Livaï par les épaules pour le serrer contre lui. Le caporal se laissa faire.

- "... mais je suis si heureux que tu sois vivant. Je sais que c'est malvenu d'être heureux dans un moment pareil, mais... c'est ce que je ressens."

- Tu as des sentiments humains, finalement, c'est rassurant", souffla Livaï dans le creux de son oreille.

Il ne lui tenait pas rigueur de sa déclaration, il le comprenait. Erwin en fut soulagé. Il le relâcha et Livaï se cala sur l'oreiller, un sourire triste sur les lèvres.

- "Je dois bien avouer que je suis pas fâché d'être vivant moi aussi. Je ne peux pas mourir, pas encore. Et toi non plus. On a encore trop de choses à faire."

- "Oui...", soupira le major.

- "Relève la tête et va de l'avant. C'est ce que je ferais aussi. C'est tout ce qu'on peut faire, à part se laisser mourir."

Erwin se laissa glisser le long du lit et se remit sur ses pieds. Livaï suivit le mouvement mais au lieu de se lever, il lui plaqua son pied blessé sur la poitrine en le toisant de façon impertinente.

- "Eh ! Tu sais quoi ? J'ai presque plus mal, c'est fou, hein ?"

Erwin attrapa sa fine cheville et porta le pied bandé à sa bouche.

- "Tant mieux. Tu pourras bientôt récupérer tes ailes."

Il reposa la jambe de Livaï, récupéra sa veste et sortit de la pièce, le coeur plus léger.

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