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  • Photo du rédacteurfallen Raziel

Les Aventures d'Erwin & Livaï #3


L'hôpital était bien silencieux. Les pas pressés des infirmières ne résonnaient pas dans les couloirs et le caporal Livaï se sentit tout à fait seul dans le bâtiment. Cela ne lui déplaisait pas. Après le bruit de la vie citadine, ce calme était bienvenu.

Il monta donc sans s'annoncer au deuxième étage et s'arrêta devant la porte familière. Il frappa, et attendit cette fois qu'Erwin réponde. Mais il n'entendit rien. Livaï se demanda alors s'il avait oublié leur rendez-vous, et entra avec précaution dans la pièce. Erwin était peut-être occupé dans la salle de bain et ne l'avait pas entendu toquer. Mais il comprit vite que ce n'était pas du tout ce dont il s'agissait.

Tout était parfaitement immobile dans la chambre. Erwin reposait sur son lit, bien droit, ses cheveux épars sur l'oreiller. Il dormait encore et Livaï s'approcha à pas feutrés. Il ne voyait pas sa poitrine se soulever et prit peur un moment. Il se pencha sur le major et écouta avec attention. Les battements de coeur étaient bien là, et il se remit lui-même à respirer.

Il resta un moment assis à côté de lui à le regarder et constata que la barbe de son supérieur avait encore poussé. Cela lui donnait l'air négligé et Livaï se jura d'y remédier avant qu'il ne mette un pied dehors. Il examina aussi plus attentivement la blessure sous le bandage et constata qu'elle ne saignait pas aujourd'hui. Il fit toutes ces vérifications en faisant attention de ne pas réveiller Erwin.

Mû par une envie soudaine, il approcha du visage du major et effleura ses lèvres avec les siennes. Elles étaient tièdes mais un peu rigides. Ce n'était pas la première fois qu'il se laissait aller à ce genre d'acte et Erwin n'en avait jamais rien su. Du moins l'espérait-il. Il vivrait assez mal de devoir s'expliquer...

Au moment où il formulait cette pensée, les yeux de son supérieur papillonnèrent, puis s'ouvrirent en grand, et Livaï se retrouva nez à nez avec un Erwin stupéfait mais pas mécontent. Il sentit le feu embraser ses joues et détourna la tête précipitamment.

- "C'est plutôt agréable comme réveil...", souffla le convalescent.

- "Tu n'as rien senti du tout, il ne s'est rien passé."

- "Tu espères m'hypnotiser en me disant ça ?" rétorqua Erwin en riant.

- "Je vérifiais juste si tu étais encore vivant, gros malin."

- "La prochaine fois, je ferai le mort, j'aurais peut-être droit à un peu plus..."

Erwin le taquinait souvent sur ses démonstrations d'affection à la fois maladroites et ardentes, et même si Livaï savait qu'il devait le supporter sans oser déclarer fermement ses sentiments, cela le troublait. Il se demandait souvent ce que son supérieur ressentait pour lui, s'il acceptait son dévouement par gentillesse ou s'il y prenait aussi du plaisir... Il était si difficile de lire en Erwin. Pour lui en tout cas, les choses étaient un peu plus claires.

"Je t'aime, idiot. T'as pas besoin de me le rendre mais laisse-moi au moins t'aimer de la façon qui me convient." C'était un mantra qu'il se répétait chaque fois qu'Erwin faisait semblant de ne rien comprendre.

Livaï se redressa et décida d'attaquer les choses sérieuses.

- "Tu veux toujours te lever ?" demanda-t-il.

- "Une petite minute, laisse-moi émerger."

- "Fut un temps où tu te contentais de sauter sur tes pieds, avec une ration dans le bec et une tasse de thé à la main. Sans en renverser une goutte."

- "Cela me paraît compromis", répondit Erwin en se redressant.

- "Mais non, tu y arriveras de nouveau. Ecoute, lève-toi et va dans la salle de bain. Essaie de te laver tout seul, si t'y arrives pas, je viendrai t'aider. En attendant, je vais changer tes draps. Il y en a des propres dans la pièce d'à côté, non ?"

Erwin hocha la tête et commença à se dégager de ses draps. Livaï se débarrassa de sa veste et fit mine de partir, mais il observa tout de même le major, assis au bord de son lit ; il semblait retenir son souffle au moment de se mettre debout. Il poussa sur ses jambes et parvint à se tenir droit en s'appuyant contre le mur d'en face. Livaï souffla un peu et passa rapidement dans le couloir pour chercher des draps dans la pièce voisine. Il ne voulait pas laisser Erwin seul trop longtemps ; il pouvait tomber... mais il devait aussi le laisser se débrouiller un peu, qu'il puisse se rendre compte qu'il n'était pas impotent.

Il revint aussi vite que possible dans la chambre avec les draps et constata que la pièce était vide ; des bruits se faisaient entendre à côté dans la salle d'eau, et il décida de ne pas se préoccuper de ça pour l'instant. Si Erwin avait besoin d'aide, il l'appellerait. Il enleva les draps souillés, les jeta dans un coin et refit le lit à une vitesse surprenante. Il ne se souvenait pas l'avoir déjà fait aussi vite.

Il lissait les plis du tissu quand il entendit la voix d'Erwin l'appeler de loin. Il avala sa salive, se déplaça jusqu'à la salle de bain et jeta un oeil à l'intérieur. Elle était plus sombre que la chambre car elle n'avait pas de fenêtre, mais assez claire pour y voir correctement. Erwin était assis sur une chaise à côté de la baignoire et son regard semblait perdu dans le vide. Il avait réussit à se déshabiller et portait sur ses genoux une serviette blanche. Son torse était marqué par des blessures, certaines anciennes, d'autres bien plus récentes.

- "Tu as un problème ?" demanda Livaï, essayant d'ignorer la nudité de son supérieur.

- "La pompe est fatigante... Je n'ai pas encore repris toutes mes forces... Je n'ai pu la remplir qu'à moitié..."

- "Attends, je m'en occupe."

Livaï actionna à son tour la pompe et l'eau jaillit en jets rapides. Elle était effectivement un peu rétive... Il eut alors une idée.

- "Erwin, tu dois l'actionner toi-même, ça te fera de l'exercice. Je vais t'aider à le faire mais mets-y toutes tes forces."

Le caporal prit la main d'Erwin et la plaça sur la pompe. Puis il posa sa propre main sur la sienne et ensemble, ils manièrent le mécanisme jusqu'à ce que la baignoire soit remplie. Le major transpirait un peu et Livaï comprit que c'était vraiment dur pour lui. Il versa le liquide savonneux thérapeutique dans la vasque et attendit qu'Erwin se lève.

Celui-ci s'appuya sur sa chaise pour le faire et Livaï le vit vaciller un peu. Il risquait de glisser. Mais seule sa serviette glissa. Le caporal détourna le regard mais aida son supérieur à entrer dans la baignoire en sécurité. Il semblait si vulnérable et totalement prêt à s'en remettre à lui... Une fois installé, Erwin poussa un long soupir de contentement.

- "Aaah, cela faisait longtemps... cette sensation m'avait manqué..."

- "Je veux bien te croire. Je pense qu'il y a rien de mieux que de prendre un bain."

- "Je vais en profiter..."

- "A ta guise. Mais... laisse-le en dehors de l'eau si tu peux", dit-il en désignant le moignon. "Je referais tes bandages tout à l'heure."

Livaï était confus. Il ne savait pas comment se référer à ce qui restait du bras droit d'Erwin.

- "Non", rétorqua fermement le major. "Enlève-les maintenant et regarde comment ça se présente."

Livaï obéit et défit les bandelettes lentement. La chair rétractée et rougie apparut alors et cette vue fut difficile pour lui. Mais il ne se détourna pas, au contraire. Il inspecta la blessure en détail et en déduisit qu'elle n'avait pas si mauvaise allure. "Il aurait pu choper une infection", se dit-il, philosophe. Les tissus semblaient sains et les fils laisseraient une cicatrice, rien de plus.

Comme si ce membre n'avait jamais été là.

Erwin renversa la tête en arrière et Livaï se plaça derrière lui, assis sur la chaise. Il comprit instantanément ce que Erwin voulait : un bon shampooing. Le caporal sourit, releva ses manches, et se saisit d'une bouteille. Il versa un peu de son contenu dans sa main et commença à malaxer lentement le cuir chevelu de son supérieur. Ses cheveux avaient bien poussé et il s'occuperait peut-être de les lui couper.

Erwin avait attrapé un gant de toilette et frottait son corps sous l'eau, avec précaution. Il leva les yeux vers Livaï et ils lui envoyèrent un "merci" silencieux. Il n'avait pas ressenti une telle gratitude pour quelqu'un depuis longtemps. Et au fond de lui, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ne méritait pas cette gentillesse.

- "Bon, tu es prêt ? Je vais te balancer de l'eau sur la tronche", annonça Livaï sans délicatesse.

Erwin ferma les yeux, cessa de respirer et attendit que le seau rempli d'eau le débarrasse du savon. Une fois ceci fait, il essaya de se relever sans déraper mais le caporal vint encore une fois à son secours.

- "Il manquerait plus que tu te croûtes à l'hôpital, on en a pas besoin", affirma Livaï en le tenant par la taille.

Il réussit à enjamber le bord de la vasque sans tomber, mais il sentait bien que ses jambes manquaient de force. Il devait sérieusement songer à se rééduquer, et au plus vite. L'idée d'être un poids pour ses camarades le hantait. Mais Livaï ne se plaignait de rien. Il lui tendit sa serviette et Erwin essaya de s'essuyer avec sa seule main gauche, mais même cela lui parut compliqué.

- "Je vais le faire", souffla Livaï.

Il saisit la serviette et se mit à frotter doucement la peau humide d'Erwin. Le major ne put empêcher certains... mécanismes naturels de se déclencher quand la main de Livaï entra en contact avec certaines parties précises de son corps, et il se sentit honteux de ses réactions incontrôlables qui relevaient de son intimité. Lui qui savait si bien se maîtriser d'ordinaire... Il se sentait exposé et vulnérable. Cela n'arrivait jamais quand il s'agissait des infirmières ; mais avec Livaï, c'était très différent. Il avait cette façon de passer la serviette sur son corps... Le caporal le rassura :

- "T'inquiète pas, on est fait pareils, on a tous ce genre de petits problèmes."

- "Je... excuse-moi, ce n'est pas correct... Je ne sais pas quoi dire...", murmura Erwin, les yeux baissés sur son entrejambe.

- "Ne dis rien alors !" s'exclama Livaï. "Au moins, ça veut dire que ça fonctionne, c'est pas plus mal, non ?"

- "Les titans n'ont pas mordu là-dedans, heureusement."

Ils se mirent à rire de bon coeur, essayant d'oublier la gêne initiale de la situation, et Erwin finit par draper chastement la serviette sur ses hanches. Avant de sortir de la pièce, il jeta un oeil dans un miroir et caressa sa barbe. La sensation n'était pas agréable et il exprima le souhait de se raser lui-même. Livaï le laissa faire tout en le surveillant. Mais extraire la pâte à raser se révéla impossible dans son état. Le caporal étala le produit sur ses joues et sa mâchoire et le major essaya de se servir de la lame de rasoir de la main gauche. Mais il réussit seulement à s'écorcher.

- "Arrête, tu vas juste réussir à t'ouvrir la gorge !" s'alarma Livaï. "Donne-moi ça."

Livaï passa la lame le long de son menton et rasa avec précision, avec des gestes sûrs. Il n'avait jamais eu besoin de se raser lui-même - en tout cas il n'avait jamais eu l'ombre d'une barbe, ce qui avait toujours étonné Erwin -, et le major en déduisit qu'il s'agissait de sa dextérité naturelle. Les doigts de Livaï caressaient son visage avec douceur et attention, et ce contact ne fit rien pour calmer ses ardeurs matinales. Il tenta de ne plus y penser, et espéra que cela s'arrêterait bientôt. Il resta ainsi un moment, le menton levé, la gorge offerte, jusqu'à ce qu'il se décide à briser le silence.

- "Tu es bon avec toutes les lames, à ce que je vois."

- "Dans le passé, j'aurais donné n'importe quoi pour pouvoir poser une lame sur ta gorge", plaisanta Livaï en se rappelant qu'il en avait pourtant déjà eu l'occasion.

- "Ooh, alors je prends un risque ?", demanda Erwin lentement. "J'aime vivre dangereusement."

Livaï sourit en coin. Il aurait mieux aimé s'ouvrir les veines plutôt que de risquer de blesser mortellement Erwin, aussi redoubla-t-il d'attention. Une fois le rasage terminé, il passa une lotion apaisante sur le visage de son supérieur et s'essuya les mains.

- "J'aimerais autant que tu évites de vivre dangereusement", déclama-t-il.

- "Un explorateur peut-il se le permettre ?"

Il avait marqué un point. Livaï aida Erwin à regagner la chambre et il le laissa s'asseoir sur le lit. Puis il ouvrit une armoire où se trouvaient divers vêtements de ville et lui demanda ce qu'il voulait mettre.

- "Inutile d'en faire trop, je ne compte pas m'éloigner de l'hôpital", indiqua-t-il. "Trouve-moi quelque chose de pas trop difficile à enfiler."

Livaï dénicha un pantalon et une chemise simples et les posa sur le lit. Il se détourna pour ne pas gêner Erwin, et se contenta d'écouter les bruits de tissu sur sa peau. Il l'entendit toussoter et se retourna. Apparemment, il avait du mal avec les boutons.

- "C'est... plus facile de les défaire...", souffla-t-il.

- "Ca va, t'inquiète pas, tu finiras par y arriver. T'as déjà réussi à mettre tes fringues tout seul, je suis pas sûr que j'en serais capable, moi."

Livaï le rejoignit et se mit en devoir de fermer les boutons. Il s'attaqua à celui du pantalon, puis à la chemise. Il resta fixé un moment sur les quelques cicatrices visibles et soupira le plus silencieusement possible. Il n'avait pas pu retenir ce soupir. Il ne put s'empêcher de se demander comment Erwin pourrait de nouveau enfiler son uniforme et nouer le dispositif... Quant à l'utiliser... il ne voulait même pas y penser tant cela le tourmentait.

Erwin le remarqua et interpréta cela comme de la pitié. Il ne voulait pas que Livaï ait pitié de lui, qu'il le voit comme un infirme. Cette idée le révulsait abominablement. Mais il ne pouvait pas non plus repousser sa sollicitude et la seule chose qu'il trouva à faire fut de passer son bras gauche autour de son subordonné. Le caporal se raidit d'abord, sans doute surpris, puis se laissa aller contre lui. Les bras de Livaï se resserrèrent autour de sa taille et Erwin lui murmura à l'oreille :

- "Il me reste encore un bras pour te serrer contre moi. J'aurais préféré avoir les deux, mais..."

- "Mais ?" souffla Livaï, le visage posé sur sa poitrine.

- "Je ne pense pas l'avoir perdu tout à fait."

Livaï leva les yeux vers lui, interrogateur. Erwin lui sourit tendrement.

- "Je n'ai pas perdu mon bras droit. Tu es toujours là."

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