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  • Photo du rédacteurfallen Raziel

Les Aventures d'Erwin & Livaï #2



Le temps était magnifique cet après-midi et le soleil brillait au-dessus de la cité. Rien ne laissait deviner que la bataille avait fait rage quelques jours plus tôt dans le Mur Rose.

Le caporal Livaï marchait dans les rues de la ville en direction de l'hôpital militaire. Même s'il ne pouvait se reprocher ce qui était arrivé à son supérieur durant ces combats - après tout, il n'avait fait qu'obéir à ses ordres -, il se sentait coupable de ne pas avoir été là. Le bras droit d'Erwin avait été arraché par un titan, et ce n'était que par miracle si le major, pourtant rendu aux portes de la mort, avait survécu. Mais pas grâce à lui, il ne l'avait pas protégé. Cela le mettait en rage.

Bien sûr, il était resté à ses côtés pendant tout le processus de soins, murmurant des mots de réconfort à l'homme blessé et fiévreux qui se contorsionnait dans la souffrance, épongeant son front brûlant et le sang souillé, mais il s'en était tellement voulu... "J'aurais dû être là...", ne pouvait-il s'empêcher de se répéter. Ce qui était fait ne pouvait être défait, et il devait se rendre à l'évidence : il n'avait pas été là quand Erwin avait eu besoin de lui, et cela lui faisait mal.

Il pénétra sous le porche de l'hôpital. Il connaissait bien les lieux et s'arrangeait toujours pour y venir plusieurs fois par semaine depuis le drame. Il devait veiller à ce que sa nouvelle escouade reste dissimulée et il en était réduit à faire l'aller-retour entre l'hôpital et leur cachette dans les montagnes. Il leva les yeux comme à son habitude et scruta la fenêtre du deuxième étage, celle de la chambre du major encore en convalescence. Il s'était réveillé deux jours plus tôt de son coma et Livaï se sentait plus léger depuis. Il voulait qu'Erwin se repose totalement, qu'il oublie le travail que sa charge lui imposait. Pour cela, il avait pris lui-même la responsabilité de gérer l'administration du bataillon. Ainsi Erwin pouvait avoir l'esprit tranquille.

Dans le hall d'entrée, il repéra Hanji Zoe. Elle aussi devait partager son temps entre les visites à l'hôpital et les tests avec Eren. Mais elle réussissait toujours à venir plus souvent que lui. Sa collègue passait beaucoup de temps avec Erwin, mais il préférait en général le voir en privé plutôt qu'en sa compagnie. La personnalité exubérante de Hanji avait tendance à fatiguer Erwin dans l'état où il était, elle parlait fort et ce n'était pas bon pour lui. Mais il se dirigea vers elle afin de prendre des nouvelles.

- "Eh ! quat'z'yeux ! T'es déjà là ? J'espère que t'es pas allée l'ennuyer ?"

- "Mais non, je lui ai lu le journal. J'espérais le dérider un peu mais j'ai pas eu droit à un sourire."

- "Il continue de bouder ? Il faut vraiment qu'il se bouge ou il sortira plus de ce lit."

- "Il est démoralisé, c'est sûr. C'est moche ce qui lui est arrivé... Eren arrête pas de s'excuser, tellement il croit que c'est de sa faute, le pauvre..."

- "C'est pas tout à fait faux non plus."

- "Pas la peine d'en rajouter ! Erwin a agi comme il pensait devoir le faire."

- "Il n'avait pas à se mettre en danger comme ça !"

Livaï avait haussé la voix, indifférent aux infirmières qui arpentaient les couloirs et les observaient. Il orienta la discussion sur autre chose :

- "Et à part ça ? Il se remet bien ?"

- "Ses blessures sont en voie de guérison. On a évité l'infection. Mais il a tellement maigri, tu as remarqué ? Et il refuse de manger depuis hier."

- "Il a encore renvoyé la nourriture de ce midi ? Celui-là, qu'il peut être borné..."

- "Il n'a pas d'appétit mais il doit manger pour se remettre. On a déjà eu du mal à garder ses muscles en bon état durant son coma..."

- "Ok, je vais m'en charger."

- "Tu vas... Hein ?..."

Livaï se dirigea vers les cuisines de l'hôpital d'où émanaient les odeurs résiduelles du dernier service. Les cuisiniers sursautèrent en voyant arriver le caporal, en tenue civile, avec une veste trop grande sur les épaules, le visage renfrogné. Ils s'apprêtaient à rentrer chez eux - ils ne reviendraient que pour le repas du soir - et cela arrangeait bien Livaï. Il les laissa sortir tout en remarquant leurs coups d'oeil intrigués, puis referma la porte derrière eux. Ce faisant, il écrasa presque le nez de Hanji qui l'avait suivi.

- "J'ai pas besoin de toi, la bigleuse."

- "Je veux savoir ce que tu vas faire ! Me dis pas que..."

Livaï se débarrassa de sa veste et remonta les manches de sa chemise. Il resta un moment immobile devant la batterie de cuisine, puis se dirigea vers la réserve et nota la présence de viande levurée et de divers légumes. Il ouvrit les placards et sortit différents condiments pour les étaler sur la table. Hanji y prit place avec des yeux ronds, mais elle eut la bonne idée de ne pas dire un mot de plus.

Le plus puissant soldat de l'Humanité se mit alors à cuisiner. Il alluma les feux de la cuisinière avec du gaz et s'empara de plusieurs récipients. Hanji ne voyait pas grand chose de sa place mais elle ne dérangea pas son collègue avec des questions. Elle le vit plumer un poulet, éplucher des carottes, des pommes de terre, écosser rapidement des petits poids ; c'était comme s'il avait décidé de mettre dans sa recette tout ce qui lui tombait sous la main et Hanji craignit un instant le résultat. Mais une bonne odeur embauma bientôt la cuisine, et cela lui mit l'eau à la bouche.

Livaï se saisit d'une cuillère et goûta la mixture. Il rajouta une pincée de sel, un peu de thym, et d'autres aromates. Quand il se retourna, il constata que sa collègue était attablée devant une assiette, des couverts à la main, une serviette autour du cou, visiblement affamée.

- "C'est pas pour toi", lui annonça-t-il.

- "Ouais, j'ai compris, c'est pour Erwin. Mais tu vas me faire goûter quand même !"

- "Tcch !"

Jugeant que ce n'était pas une mauvaise idée, il apporta la marmite sur la table et versa une rasade de son contenu dans l'assiette de Hanji. Cela avait la consistance d'un ragoût, avec du poulet et des légumes. La sauce était légère et les morceaux coupés très fins. Hanji y plongea sa cuillère, la porta à sa bouche et aussitôt ses yeux s'allumèrent.

- "Wouaahoou ! C'est super bon ! Je savais pas que tu cuisinais !"

- "Ca m'arrivait de le faire quand je vivais en bas, mais j'ai perdu l'habitude depuis..."

- "Si Erwin ne mange pas ça, c'est qu'il est vraiment fou !"

- "Il a intérêt à manger parce que je vais pas le lâcher."

Il remit sa veste, puis servit une pleine assiette de ragoût qu'il posa sur un plateau avec un morceau de pain, et s'apprêta à sortir de la cuisine. Hanji remarqua qu'il en restait dans la marmite. Livaï nota son regard d'envie, alors il lança en partant :

- "Vas-y, tu peux manger le reste, morfale."

Il quitta la cuisine et commença à grimper les étages jusqu'à la chambre du major. Devant la porte, il frappa pour s'annoncer et entra sans attendre de réponse, comme d'ordinaire. Il referma à clef derrière lui.

Le major Erwin était à moitié assis sur son lit blanc, le dos calé contre des oreillers, et regardait par la fenêtre. Il ne semblait pas se soucier de qui était entré, même s'il devait s'en douter car cette heure était celle de Livaï. Il posa le plateau sur une table près du chevet d'Erwin et se dirigea vers la fenêtre.

- "Tu veux que j'ouvre ?" demanda-t-il au blessé.

Erwin hocha la tête sans dire un mot et le caporal ouvrit en grand les vitres, laissant un souffle d'air frais évacuer les odeurs de médicaments de la pièce. Il se tourna vers son supérieur et constata à quel point il était pâle et amaigri. Cela le rendait encore plus sévère. Des bandages recouvraient ce qui restait de son bras droit et Livaï se surprit de la douleur qu'il ressentait à le regarder.


Il n'aurait pas moins souffert si cela avait été le sien.

Quelques taches de sang rouges étaient tombées du moignon. Sa blessure avait dû se rouvrir depuis son réveil, le moindre mouvement tirant sur les chairs recousues et traumatisées. Les draps seraient changés demain, aussi Livaï se força-t-il à ignorer cette souillure. Il s'avança près du major immobile et passa sa main sur sa joue. Erwin réagit à ce contact, puis ferma les yeux.

- "Tu n'as pas bonne mine", annonça Livaï. "Et apparemment tu refuses de manger. Tu risques pas d'aller mieux si tu fais ton gamin."

- "Je n'ai juste pas faim...", prononça Erwin d'une voix affaiblie.


Livaï se saisit du plateau et guetta la réaction du major. Ses yeux s'agrandirent un peu et le caporal fut certain de le voir humer l'odeur du ragoût.

- "Non, vraiment... C'est très gentil de ta part, mais je n'y tiens pas", annonça Erwin en se tournant de l'autre côté.

- "Allez, y a pas grand chose. Tu peux au moins essayer, non ?"

- "Je ne peux rien avaler..."

Livaï sentit la note de désespoir dans cette phrase. Sa culpabilité revint le tourmenter mais il ne pouvait pas abandonner sans se battre.

- "Si tu veux sortir d'ici, tu dois reprendre des forces", affirma-t-il. "Dans l'état où tu es, tu ne peux pas assumer tes responsabilités."

- "Je ne le pourrais peut-être plus. Mon bras est..."

- "On s'en fout, de ton bras !" explosa le caporal. "Tu es vivant et tu dois le rester ! Bouge-toi !"


Il s'en voulait d'user de mots aussi durs mais il devait le faire réagir.

- "Tu vas faire culpabiliser Jäger avec tes bêtises, il en dort plus, il paraît. Reprends-toi en mains, allez..."

Il plaça le plateau devant Erwin, attendant qu'il agisse. Le major resta les yeux baissés sur le ragoût qui refroidissait, mais ne bougea pas. Livaï ne savait plus vraiment quoi faire, aussi joua-t-il sa dernière carte.

- "Je l'ai fait pour toi. Dans la cuisine en bas. Je me disais que tu aimerais ça..."

Les traits d'Erwin se détendirent et il observa le visage navré de son subordonné penché en avant. Comme Livaï se trouvait à sa droite, il ne pouvait pas le toucher, mais le regard qu'il tendit vers lui était comme la plus douce des caresses...

- "Je ne savais pas, Livaï...", murmura-t-il, honteux. "Ca a l'air très bon... Je crois que... je vais me laisser tenter !"

Livaï lui sourit gentiment et présenta devant lui la première cuillérée de ragoût. Erwin l'avala avec plaisir, et le caporal continua de le faire manger avec lenteur et patience, s'arrêtant pour lui laisser le temps de mâcher, ou pour essuyer un coin de sa bouche. Erwin semblait vraiment apprécier son plat et cela le rendit bien plus heureux qu'il ne l'aurait imaginé. Il ne resta bientôt plus rien dans l'assiette. Le major se servit même de sa main gauche pour recueillir la sauce avec son pain. Livaï lui servit ensuite un verre d'eau du pichet qui se trouvait à son chevet et Erwin se sentit comme revigoré.

- "Tu vois, c'était pas si mal en fait."

- "Je n'ai pas fait un aussi bon repas depuis longtemps", apprécia le major.

- "Ce qui veut dire que je vais devoir te préparer tes repas tous les jours ?"

- "Je ne peux pas te demander ça. Mais qu'as-tu mis dedans ? Il y avait un goût si particulier, si délicat et subtil, je n'ai pas réussi à le reconnaître..."

- "Aucune idée, j'ai fait ça au pif."

- "Tu n'avais pas de recette ?"

- "Non. J'ai mis ce qui me paraissait important pour que tu gardes la forme."

- "Tu as ajouté un ingrédient secret."

- "Sans doute."

"Je l'ai fait en pensant à toi, c'est ça, l'ingrédient secret", se dit Livaï.

Erwin se mit à plier ses jambes et son bras, comme s'il voulait se dérouiller les membres. Livaï se leva pour lui faire de la place, mais le major ne semblait pas encore décidé à sortir du lit. Le caporal se risqua tout de même à lui demander :

- "Tu te sens d'attaque ?"

- "Pas encore. Je dois... m'habituer à mon nouvel état."

- "Tu peux compter sur moi si tu veux... des massages ou des trucs comme ça."

- "Les infirmières s'en chargent."

- "Je le ferais sans doute mieux qu'une infirmière."

- "Tu as d'autres choses à faire."

- "Ca peut attendre. J'ai pas de retard dans le boulot."

Erwin le regarda avec intensité et Livaï décela de nouveau en lui la flamme de la détermination, cette flamme qui l'avait embrasé six ans plus tôt, alors que la pluie le frappait avec violence... Cette vision lui redonna espoir et il se sentit très satisfait de lui.

- "Si tu peux revenir demain...", proposa le major. "Je pense que demain, j'aimerai sortir."

- "Demain ? Ok, pas de problème. Je viendrai le matin, je t'aiderai à... faire ta toilette."

- "C'est entendu alors. Je dirai aux infirmières de ne pas passer demain matin."

Livaï se saisit du plateau et s'apprêta à sortir de la chambre ; mais quand il passa devant la main valide du major, celui-ci lui saisit le bras et il se rendit compte de la force qui lui restait dans ce membre. "Erwin est vivant", se dit-il.

Le major apprécia le contact en malaxant lentement le poignet à travers l'étoffe de la chemise du caporal. Il pouvait sentir le sang circuler dans les grandes veines de son subordonné et cette vitalité qu'il décelait dans cet être auquel il tenait plus qu'à lui-même lui rendit une force incroyable.

- "N'oublie pas de revenir demain...", énonça-t-il, à bout de souffle.

- "T'inquiète pas."

"Je serai là cette fois."

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